Contrat de travail et mandat social
RF Social n° 249 – mars 2024
Cumuler un contrat de travail et un mandat social, est-ce possible ?
Un cumul pas toujours possible
« Est-ce que je peux cumuler un contrat de travail et mon mandat social ? ». Cette question est fréquemment soulevée par les mandataires sociaux pour lesquels l’enjeu principal est la prise en charge au titre du chômage en cas de rupture. Depuis longtemps posée aux juges, la question a de longue date reçu une réponse favorable de la Cour de cassation (cass. civ. 25 janvier 1957, n° 851, Bull. civ. IV, n° 83). Mais les conditions posées pour que ce cumul soit valable sont très strictes car les mandataires sociaux disposent souvent de pouvoir étendus, exercés en toute autonomie pour agir au nom de la société (voir plus loin). En revanche, le cumul contrat de travail/mandat social est parfois exclu. C'est par exemple le cas pour un gérant de SARL majoritaire, la Cour de cassation considérant qu'il ne peut pas cumuler son mandat social avec un contrat de travail dans la mesure où il jouit des pouvoirs les plus étendus au sein de la société (cass. soc. 12 décembre 1990, n° 87-40596, BC V n° 658). Il en va de même pour l’associé unique de la SASU et l’associé d’une SNC (société en nom collectif). En effet, concernant les associés de SNC, ceux-ci ont le statut de commerçants « répondant indéfiniment et solidairement des dettes sociales » et cette qualité de commerçant est incompatible avec un contrat de travail (cass. soc. 14 octobre 2015, n° 14-10960, BC V n° 190). Et il faut également noter que les règles pourront varier dans le cadre d’un groupe de sociétés.
Faire une demande de rescrit
À titre préventif, il est possible de soumettre sa situation via un rescrit à France Travail (c. trav. art. L. 5312-12-2). Le formulaire à remplir reflète les conditions cumulatives à réunir :
des fonctions salariées réelles, un contrat de travail fictif constituant une fraude à la loi (cass. soc. 12 mars 1991, n° 88-41025 D) ;
l’exercice de fonctions techniques distinctes des fonctions de direction générale du mandataire sachant que plus la société est petite, plus c’est difficile à établir, le monopole des connaissances techniques du dirigeant et son autonomie excluant la subordination (cass. soc. 11 juillet 1995, n° 92-40808 D) ;
l'existence d’un lien de subordination : travail sous directives précises (distinctes de celles reçues comme mandataire), contrôle disciplinaire de l’exécution des fonctions, contraintes de validation, fixation des congés par la hiérarchie, etc.(cass. soc. 20 avril 2022, n° 98-18060 D) ;
une rémunération spécifique pour le contrat de travail, idéalement sur une paye distincte (le mandat peut être à titre gratuit).
Le formulaire de rescrit demande ainsi : lien de parenté avec les dirigeants, nombre d’actions détenues, nature du mandat, PV de nomination, PV sur les fonctions salariales, éventuelle antériorité au mandat, rémunérations distinctes, délégation de signature et/ou de pouvoir, double signature, procuration bancaire, fonctions salariées concrètes et identification du donneur de directives, etc.