Qualifier les temps de déplacement du salarié
RF SOCIAL N°231 – JUILLET AOÜT 2022
L’employeur n’appréhende pas toujours correctement le temps de trajets de ses collaborateurs. Quelles règles lui permettraient de se mettre en conformité ?
TEMPS DE TRAJET N’OUVRANT PAS DE DROITS
L’article L. 3121-4 du Code du travail prévoit que le temps normal de déplacement pour se rendre depuis son domicile sur le lieu d’exécution du contrat de travail (ex. : l’employeur, un client) et rentrer à son domicile n’est pas un temps de travail effectif (au sens de l’art. L 3121-1). L’employeur évitera donc de demander au salarié de passer au siège ou au dépôt de l’entreprise avant son trajet de début ou fin de journée (voir ci-après).
TEMPS DE TRAJET À COMPENSER
Pour la partie dudit trajet qui dépasse un temps normal (ex. : un trajet de plusieurs heures pour se rendre du domicile chez le premier client), le salarié doit percevoir une contrepartie soit sous forme de repos, soit financière. Mais le législateur n’a pas défini la durée d’un temps normal, qui diverge selon la région géographique (réseau de transports collectifs, densité du trafic routier etc.). Un trajet de 2 heures en Île de France a été jugé normal (cass. soc. 25 mars 2015, n° 13-21519 D) et ne sera pas compensé. Un temps de voiture de 10 et 20 km entre domicile et client a été jugé normal mais pas 47 ou 62 km quand l’employeur a changé le lieu de travail du salarié (cass. soc. 4 décembre 2013, n° 12-20155 D). La détermination du temps normal peut donner lieu à expertise judiciaire dans le cadre du procès prud’homal (cass. soc. 12 mars 2009, nº 07-45715 D). La contrepartie ne doit pas être dérisoire et peut être revue à la hausse par le juge prud’homal (cass.soc. 30 mars 2022, n° 20-17230 FSB) ou fixée par lui en l’absence accord d’entreprise ou d’engagement unilatéral de l’employeur (cass. soc. 14 novembre 2012, n° 11-18571, BC V n° 295).
TRAJET CONSTITUANT DU TEMPS DE TRAVAIL
Il s’agit des temps de trajet depuis l’entreprise et un autre lieu de travail (client/ réunion, etc.) ou entre deux clients ainsi que le trajet effectué dans le cadre d’une astreinte. Ils peuvent générer le paiement d’heures supplémentaires s’ils font déborder le salarié de son temps de travail contractuel (cass. soc. 4 mai 2011, 09-67972 D). Un paiement sous forme de prime est proscrit (cass. soc. 16 juin 2014, n° 02-43685, BC V n° 171). En cas de forfait-jours, les trajets se font dans le cadre du décompte des jours travaillés avec une vigilance sur les repos quotidiens et hebdomadaires. Les trajets des titulaires d’un mandat représentatif d’une durée anormale pour exercer leurs missions sont également du temps de travail (cass. soc. 27 janvier 2021, nº 19-22038 FP). Attention aux indemnités de trajet conventionnelles (ex. : CCN Bâtiment, entreprise du paysage) et leur articulation avec la compensation légale des trajets (cass. soc. 25 novembre 2020, nº 19-11529 D).